Axel Alletru, de la résilience à l'excellence 🏆
Hello ! Nous sommes Gabrielle et Baptiste, "aventuriers du dimanche" nous partageons toutes les deux semaines le récit des plus grands athlètes-aventuriers de la planète.
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Temps de lecture :
- Entretien : 9 min
- Pour aller plus loin : 1 min
- La minute adrénaline : 1 min
Axel Alletru : “Coucou les gars, je suis toujours là…”
Dans la perspective des Jeux qui approchent, nous avons voulu jeter un regard sur d'autres champions que les traditionnels Usain Bolt ou Michael Phelps. Plus discrets peut-être, mais des forces vives résistantes aux épreuves de la vie, ces athlètes ont chacun leur histoire et celle d’Axel Alletru nous a réellement inspirés.
Athlète de haut niveau depuis toujours, Axel est un champion hors catégorie. D’abord grand espoir du BMX français avec des titres européens et mondiaux, il passe ensuite à la moto, son rêve d'enfant, discipline dans laquelle il gravit les échelons. Son premier championnat du monde dans une équipe professionnelle est un succès, jusqu’au drame du 27 juin 2010. Ce jour-là, au Grand Prix de Lettonie, Axel, 20 ans, chute et perd l’usage de ses jambes. Un accident qui exacerbera chez le champion un esprit de résilience pour rebondir plus vite et aller toujours vers des projets plus fous. Entre natation handisport et Paris Dakar, embarquement pour un voyage héroïque avec pour leitmotiv : se relever pour tout gagner.
En juin 2010, l'accident met un stop brutal à tes rêves, quels sentiments prédominent? Comment remets-tu la machine en marche?
Quand j'ai eu mon accident, on m'a diagnostiqué une paraplégie : ma colonne verticale était très endommagée, il y avait peu de chances que je remarche. Les médecins avaient du mal à prédire ce qui se passerait, c'était compliqué de se projeter avec des objectifs clairs. Pourtant, j'ai toujours regardé vers l'avenir plutôt que dans le rétro. Je me disais que tout ce qui pouvait m’arriver ne serait que du mieux. En fait, j'avais deux choix : soit j'acceptais cette vie en fauteuil en me disant "ma vie est foutue"; soit je me donnais un but précis, celui de me battre comme un fou pendant deux ans pour récupérer, essayer de progresser, et à l'issue de ces deux ans faire le point et ne pas avoir de regrets. J'ai clairement choisi la deuxième voie. (Sourire).
Six mois plus tard, en sortant du centre de rééducation, tu te fixes une nouvelle date : les Jeux paralympiques de 2016 à Rio. D’où vient ce plan un peu fou?
Quand j’ai compris que je ne pourrai plus faire de moto, je me suis dit qu'il faudrait trouver un sens à cette nouvelle vie, une raison de me lever tous les matins. Je voulais me prouver que j'étais capable d'être à nouveau un champion. C'est à ce moment-là que j'ai découvert les jeux paralympiques. Les jeux, ça fait rêver n’importe qui et en plus il y a vraiment une bonne dynamique en handisport. C'est là que je me suis dit bingo, objectif Rio 2016 ! J'ai testé de nombreuses disciplines, l'escrime fauteuil, le tir sportif... Pour ses sensations proches de celles de la moto, j'ai adoré le ski fauteuil, mais ça me demandait finalement trop de sacrifices de changer de cadre de vie et de partir à la montagne. Finalement je me suis arrêté sur la natation, car je savais que je pouvais performer en progressant en autonomie et, car dans l'eau, il n'y a pas cette notion de handicap.
Et tu redeviens un champion : 6 médailles d'or françaises et européennes plus tard, finalement, qu'est-ce qui était le plus important pour toi dans ce projet?
C'était la gagne, mais à la fois pour moi-même et pour les autres. Je voulais prouver que malgré ce qui m'était arrivé je pouvais être performant et être un athlète ailleurs que dans la moto. L'ego c’est ce qui fait avancer les athlètes, mais c’est aussi la récompense d'être sur la plus haute marche du podium. Je l'avais déjà été en moto, il fallait que ça soit pareil en handisport.
Le regard des autres était aussi important. En motocross, il y a une communauté de vrais passionnés : c'est même le deuxième sport, après le hockey sur glace, où les gens interagissent le plus sur les réseaux sociaux !
Alors à 20 ans quand tu as du monde qui te suit, des contrats signés, une carrière devant toi... et que du jour au lendemain tu redeviens une personne lambda en fauteuil, ce n'est pas simple de redémarrer à zéro ! En réalité, c'est aussi ça qui m'a donné envie de rebondir, de dire "Coucou les gars, je suis toujours là, j'ai repris une vie normale malgré mon accident".
Quand on voit un type nager sans bras et sans jambe, tu te dis "Waouh il est super courageux !", mais moi, je voulais qu'on me dise "Waouh" par rapport à ma performance !
En 2016, tu atteins le sommet de ce sport et tes plans vont à nouveau être bouleversés... Peux-tu nous raconter ?
Ne pas avoir pu participer aux Jeux paralympiques de 2016 a été un élément déclencheur dans mon passage à la course automobile. J'avais construit mon équipe, je me suis battu pour me qualifier, et à quelques mois seulement des Jeux on m'annonce qu'on me change de catégorie de handicap, ce qui ne me permettra pas de défendre mes couleurs à Rio. Là, ça a été un énorme coup dur, on a vraiment brisé ce rêve qui était le sens de ma nouvelle vie. Cette décision était clairement injuste, ça sonnait vraiment comme de l'élimination arbitraire d’adversaires qui auraient pu performer... C'est ce que subit Théo Curin en ce moment, lui aussi a fait une croix sur les jeux de Tokyo. Apparemment on est trop valides pour la discipline ! (Sourire)
Je ne me sentais plus à ma place et je trouvais que le handisport n'était pas assez professionnel pour moi. Moi, je voulais être un athlète professionnel, avoir cette reconnaissance du grand public pour une performance que les gens comprennent. Quand on voit un type nager sans bras et sans jambe, tu te dis "Waouh il est super courageux !", mais moi, je voulais qu'on me dise "Waouh !" par rapport à ma performance, qu'on sache comparer au niveau du chrono et ça, c'est plus difficile à palper en natation handisport. Je me suis rendu compte que j'avais envie de revenir dans les sports valides. Voilà comment je me suis retrouvé au départ du Dakar.
En 2018, tu pars à l'assaut du Paris-Dakar 2020. Comment as-tu réussi à gagner cette édition avec ton handicap?
Le Dakar, je le regarde depuis que je suis enfant, ça m'a toujours fait rêver, donc je me suis dit "Pourquoi pas ce challenge?"
Je savais que malgré le handicap, je pouvais adapter la voiture : même si je ne me battais pas vraiment à armes égales, je pouvais m'en sortir.
Mais c’est sûr qu’il y a eu pas mal de choses à faire ! Il faut rappeler que j'ai perdu 80% de mes muscles et toutes mes sensations dans le bas des jambes... On a dû adapter le véhicule pour mieux me caler : des "babouches" pour bloquer mes pieds sur l'accélérateur ou le frein et de quoi amortir mes plaques dans le dos. On fait quand même 12 heures de voiture par jour, et c'est pas de l'autoroute ! C'est plutôt 12 heures de tension dans le sable ! (Rires). C'était beaucoup plus de travail que pour un pilote valide, mais j’ai pu m’entourer de ma propre équipe, en qui j’avais totalement confiance pour performer et ça a tout changé.
Je crois que j’aurais adoré qu'il y ait un mec pour m'inspirer quand je n’avais plus de perspectives d'avenir dans mon lit d'hôpital : transmettre que derrière l'impossible se cache toujours le possible.
Après la motocross en compétition, les records et les médailles en natation, la victoire au Dakar, tu partages tes expériences en tant que conférencier. Quels bienfaits tires-tu de la multiplication de tous ces défis?
Je me suis vraiment enrichi de toutes ces expériences si variées. J'ai rencontré des gens qui n'avaient rien pour réussir et qui y arrivaient, mais aussi le contraire ! En discutant avec des athlètes, des mécanos, ou des patrons... je me suis rendu compte que rien n'était impossible, qu'on peut repartir de zéro et faire du haut niveau et que chacun peut réussir sa vie à sa manière.
Je crois que j’aurais adoré qu'il y ait un mec pour m'inspirer quand je n’avais plus de perspectives d'avenir dans mon lit d'hôpital : transmettre que derrière l'impossible se cache toujours le possible, c’était ça que j’avais besoin d’entendre.
Faire passer ce message, j’en ai fait une mission de vie et c’est comme ça que j'ai décidé de créer cette conférence pour partager tout ça en entreprise ou sur les réseaux sociaux.
Même si vous êtes dans une situation difficile, vous avez vos deux bras et vos deux jambes. Avoir le bonheur, c'est déjà pas mal.
Fort de ces expériences, si tu avais un conseil pour rebondir, qu’est-ce que ce serait ?
Je vais dire une chose assez simple mais qu'on oublie vraiment au quotidien : on oublie de profiter de l'instant présent. Ok, c'est difficile à dire à un jeune en train de galérer mais on est tous dans une spirale où on ne pense plus à se poser et à s’écouter. Au fond, c'est quoi la base de la vie? C'est d'être heureux. C'est ça la base. Alors voilà ce que je dirais : "Les gars soyez heureux, parce que la vie elle passe très vite et elle peut basculer en une fraction de seconde. Même si vous êtes dans une situation difficile, vous avez vos deux bras et vos deux jambes." Le bonheur, c'est déjà pas mal pour vivre une belle vie. (Sourire)
Là, je veux aller challenger des Stephane Peterhansel, des Sébastien Loeb sur leur terrain de jeu.
Tes rapports au temps au lendemain d'un échec et à la prise de risque ont-ils évolué aujourd'hui?
Je dirais que je suis quand même plus méfiant. Au lieu de systématiquement me dire que tout passera, je vais avoir plus tendance à me dire "Axel, pour gagner une demi-seconde, ça ne vaut pas le coup de lâcher les gaz". Je ne suis plus dans cet état d'esprit dans lequel on est en compétition, où l'adrénaline nous fait tout oublier.
Quant au rapport au temps, ça dépend vraiment des cas de figure. C'est sûr qu'au lendemain de cette disqualification aux JO, j'ai vraiment eu besoin de prendre mon temps pour réfléchir à la suite avant de rebondir. Plus question de me relancer dans 5 ans de boulot pour se prendre une claque pareille ! Mais la plupart du temps, le plus important reste la résilience pour trouver une solution, mais surtout ne pas rester figé.
Un dernier mot sur ton très ambitieux GoGreen project ?
C'est un rêve que j'ai encore : gagner le Paris-Dakar, sur un véhicule à énergie renouvelable, dans la catégorie reine. Pour le moment, j'ai gagné en SSV, c'est un peu la deuxième catégorie. Là, je veux aller challenger des Stephane Peterhansel, des Sébastien Loeb sur leur terrain de jeu. Je n'ai pas envie d'avoir le regret de me dire que je ne l'ai pas fait, parce que je sais que j'en ai les capacités. Pour moi, c'est assez incontournable d'associer handicap, performance et environnement, sur un véhicule à hydrogène. Ça serait fabuleux. (Sourire)
Le temps additionnel
Au départ d'une course ? Ultra superstitieux, je ne laisse rien au hasard (Rire).
Ton rêve ? Gagner le Paris Dakar dans la catégorie reine.
Ta plus grande victoire ? Celle du Dakar en 2020 était folle. 10 ans de bataille...
Ton grand combat ? Délivrer ce message, montrer qu'on peut vivre ses rêves.
Pour aller plus loin 👇🏼
Merci JKO Sport!
Nous souhaitions remercier @Armand_Gicqueau pour son implication dans cette dernière newsletter. Fondateur de JKO sport, il accompagne les entreprises dans leurs stratégies de handicap et de diversité en particulier par du sponsoring. N'hésitez pas à le contacter !
28 principes pour rebondir par Axel Alletru
Pour aller plus loin, on vous recommande le livre d'Axel, 28 principes pour rebondir.
Des conseils concrets pour prendre confiance en soi et toujours aller de l'avant. Vous pouvez également suivre Axel sur les différents réseaux : Twitter, Facebook & Instagram
Suivre vos athlètes favoris d'ici les jeux ?
Et si vous avez plutôt une âme de supporter, vous pouvez d’ores et déjà vous familiariser avec les étoiles montantes en attendant les jeux paralympiques de Tokyo, grâce à la belle campagne "Bleus handisport" lancée par la Fédération française du Handisport et à la plateforme https://www.bleushandisport.com/ qui vous présentera nos grands espoirs de médaille pour leurs jeux qui auront lieu fin août 2021.
La minute adrénaline ⚡️
Théo Curin, le fou du Titicaca
Un défi qui devrait en faire rêver plus d'un ! A 20 ans, Théo Curin, nageur paralympique amputé des 4 membres à la suite d'une méningite, ne se laisse pas démonter par les déconvenues. S'il subit toujours des problèmes de classification pour continuer à rêver des Jeux, Théo s'est fixé un nouvel objectif : nager, en novembre 2021, les 122km du lac Titicaca, situé à 3800 mètres d'altitude au Chili. Il s'est entouré de deux aventuriers hors pair, Malia Metella, vice-championne olympique sur le 50m nage libre aux JO d'Athènes, et Matthieu Witvoet,"éco aventurier" au long palmarès en nage ou en vélo dans les contrées les plus reculées. L'objectif ? Une traversée en totale autonomie, dans une eau à 10 degrés, pour sensibiliser aux enjeux écologiques, en préparant une expédition zéro déchet et en essayant de mettre en place des projets locaux pour ces populations qui souffrent de la pollution. La préparation est longue et variée, pour une traversée de 8 à 10 jours... Et toi, qui t'empêche de traverser un lac gelé à l'altitude de l'Aiguille du Midi ?
L'inspiration de la semaine - Icare (2017) par Bryan Fogel
Les Jeux olympiques, la compétition la gagne... Il faut parfois aussi savoir voir l'envers du décor. C’était l’intention de Bryan Fogel en réalisant Icare, Oscar du meilleur film documentaire en 2018. Le réalisateur décide d'enquêter sur le dopage et se retrouve pris dans un engrenage sportif et politique de grande ampleur en Russie, jonché de contrôles positifs et de luttes d'influence.
Les grands gagnants 🏆
Félicitation à @Sixtine_Deslandes et @Kevin_Eon qui remporte le livre “Bravo Papa” dédicacé. Merci aux éditions Mareuil, et à Pascal_Sancho pour leur participation.
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